Employés d’ONET Services, ils ont travaillé dans les mêmes ateliers que les salariés d’Iveco, ont respiré les mêmes fibres d’amiante, mais ils n’ont pas les mêmes droits. Ils réclament la reconnaissance du préjudice d’anxiété devant les prud’hommes de Valence.

Le 30 octobre 2007, la société IVECO (ex RVI) qui fabrique des autobus à Annonay (Ardèche) a été inscrite pour la période 1962-1993 sur la liste des établissements qui ouvrent droit à la cessation anticipée d’activité amiante, suite à une injonction du tribunal administratif de Lyon.

Mille kilomètres
de cordons amiantés

Le jugement du tribunal a rappelé que « selon le rapport du bureau Véritas, près de 140 000 mètres carrés de plaques à base d’amiante étaient manipulées, découpées à la scie ou à la cisaille, percées et préparées avant leur pose  » et que «  mille kilomètres en mètres linéaires de cordons amiantés ont été manipulés et travaillés pour le calorifugeage des pots d’échappelement jusqu’en 1973 »
Entre 1962 et 1993, l’utilisation d’amiante a concerné 40 000 véhicules. Un rapport du cabinet Véritas évalue un niveau de risque « très important » sur les postes de découpage des plaques et de pose des cordons et considère que «   l’ensemble des chaînes de montage devait atteindre un niveau de pollution substanciel »
Les tribunaux des affaires de la Sécurité sociale ont plusieurs fois reconnu la faute inexcusable d’Iveco.

Le conseil de prud’hommes de Lyon a déjà condamné le constructeur de bus à indemniser des ex-salariés d’Annonay au titre du préjudice d’anxiété. L’affaire a été portée en appel, puis en cassation.

Les mensonges de l’avocat d’ONET

Pierre-Jean Serrières, travaille chez ONET comme agent de nettoyage. Militant actif de la CGT, il s’est engagé sans hésiter dans une action pour la reconnaissance du préjudice d’anxiété : « En tant qu’agent de nettoyage, j’ai gratté l’amiante des cabines de peinture, balayé des ateliers où il y avait des poussières d’amiante.
A l’audience, je n’ai pas supporté d’entendre l’avocat d’ONET prétendre que nous n’avions fait que vider des poubelles et des cendriers dans des bureaux
. »

« Considérés comme des moins que rien »

« Je n’accepte pas que nous, sous-traitants, nous soyons considérés comme des sous-hommes, des moins que rien...
J’ai vu partir en cessation anticipée d’activité des cadres d’Iveco, et nous qui avons été exposés, nous n’avons pas eu le droit de partir. Il y a deux poids deux mesures !
J’ai découvert que l’amiante était dangereux quand le site a été reconnu « amianté  » en 2007. Depuis cette date, il y a eu 400 départs chez Iveco. Mais nous, qui avions travaillé pendant des années sur ce site, nous n’avons pas pu partir.
C’est à ce moment-là qu’avec le secrétaire du CHSCT d’Iveco, nous avons commencé à réagir.
 »

Suivi médical ?
C’est Non !

« Notre première démarche a été de demander un suivi médical. Nous nous sommes heurtés à un refus de la médecine du travail  !
En 2010, le secrétaire du syndicat d’Iveco est mort de l’amiante.
Nous avons l’impression que tout le monde se fout de nous.
Le médecin du travail m’a dit d’aller voir mon médecin traitant. Je lui ai répondu qu’il n’y avait aucune raison pour que ce soit la Sécurité sociale et la mutuelle qui payent les examens. J’ai ajouté que si je tombais malade, je le poursuivrais pour non assistance à personne en danger !
Dans l’usine, j’ai vu abattre des toitures en fibrociment. Des gamins de 16-17 ans avaient été embauchés pour l’été. Ils étaient juste à côté. Je suis convaincu qu’ils en ont respiré.
C’est pour en finir avec cela que nous sommes allés en justice avec maître Lafforgue et l’Aldeva.
 »

Ne laissons pas les sous-traitants
au bord de la route !

Guy Rousset, de l’Aldeva Drome Ardèche, suit ce combat de près. Atteint de plaques pleurales, il a engagé contre Trigano une action en faute inexcusable qui doit passer au tribunal des affaires de Sécurité sociale de Privas, le 14 avril.
Lui aussi a mal vécu l’agressivité de l’avocat d’ONET  : «  La direction a fait faire le «  sale boulot  » aux sous-traitants. Ils ont respiré les poussières d’amiante. Quand ils sont malades, ce sont des victimes de l’amiante comme nous. Nous ne devons pas les laisser «  au bord de la route  ».
C’est un combat de tous les jours, que nous menons avec l’aide du groupe de travail «  Acaata  » de l’Andeva, où nous pouvons échanger des expériences et faire avancer les choses.
   »


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°45 (avril 2014)