Dans le monde entier, des victimes de l’amiante ont les yeux tournés vers l’Italie. Le procès qui se déroule depuis deux ans à Turin est historique.
Pour la première fois au monde, les responsable d’une tragédie sanitaire sans précédent auront des comptes à rendre à la Justice pénale. Pour la première fois ce ne seront pas des lampistes qui seront jugés, mais les plus hauts responsables du groupe Eternit, ceux qui élaboraient la stratégie criminelle de la multinationale de l’amiante-ciment, ceux qui en parfaite connaissance de cause ont minimisé le danger de ce matériau cancérogène et agi pour retarder son interdiction, en sachant que leurs profits auraient pour prix des milliers de vies brisées, les vies des ouvriers et des citoyens qu’ils n’avaient ni informés ni protégés.

Ce procès, c’est d’abord le résultat de 30 années de lutte. Saluons ici le courage et la ténacité de Bruno, Nicola, Romana qui incarnent et animent ce combat exemplaire. Nous leur donnons ici la parole pour en tirer les enseignements.

Si deux grands patrons ont été inculpés, si 20 ans de prison et plusieurs milliards d’euros de dommages et intérêts ont été requis contre eux, c’est aussi grâce à l’action du procureur Guariniello et de ses collaborateurs, qui ont su aller jusqu’au bout, sans craindre de viser très haut dans la recherche des responsabilités et de demander des peines à la hauteur des dommages commis.

Il est de la plus haute importance que les responsables de la tragédie internationale de l’amiante soient condamnés au pénal. Si les victimes le réclament, ce n’est pas par esprit de vengeance, c’est parce que nous voulons éviter que nos enfants subissent demain les terribles souffrances que milliers de familles ont vécues. C’est pour rappeler qu’il n’existe pas de permis de tuer dans les usines et que la recherche du profit ne doit pas passer avant le respect de la santé et de la vie.

Si les leçons de cette tragédie ne sont pas tirées, si les responsables ne sont pas sanctionnés, demain d’autres tragédies industrielles se reproduiront.

Les empoisonneurs doivent être jugés, en France comme en Italie. Les victimes françaises et leurs familles ne peuvent ni comprendre ni admettre que, 15 ans après les premières plaintes pénales, le procès qu’elles attendent toujours n’ait pas encore eu lieu.
Certes les mobilisations de l’Andeva et de ses associations locales ont permis de regrouper les plaintes au pôle de santé publique et d’obtenir quelques moyens supplémentaires. Certes des mises en examen ont été prononcées contre des chefs d’établissements et deux médecins du travail. 
Mais les moyens des juges d’instruction restent insuffisants ; la chancellerie met des bâtons dans les roues ; elle fait tout pour retarder ce procès et en limiter la portée. Tout se passe comme si l’on craignait en haut lieu que la recherche de responsabilités n’éclabousse les pouvoirs publics et ne mette au grand jour des complaisances et des connivences avec les industriels poursuivis…

Le verdict du procès de Turin sera rendu avant la fin de l’année. Nous l’attendons en souhaitant que les peines prononcées soient les plus proches possibles des réquisitions. C’est un formidable espoir pour les victimes du monde entier.

Pierre PLUTA
Alain BOBBIO


Nous tenons à remercier les amis italiens de l’Afeva et de la CGIL qui nous ont aidé à la réalisation de ce numéro. Merci aux bénévoles de l’Andeva et à Patrice Raveneau, photographe amateur. Le directeur de publication de ce Bulletin est Pierre Pluta. Sa réalisation a été coordonnée par Alain Bobbio qui a assuré les traductions.


Article tiré du Bulletin de l’Andeva Numéro 37 "Spécial Italie"